Les pirates du silence – Spirou et Fantasio
Invités a « Incognito City », la cité des milliardaires, Spirou et Fantasio mettront à jour un complot destiné a piller l’ensemble des richesses de la ville, après avoir volé à Champignac la formule d’un gaz soporifique.
Le scénario est signé Rosy auquel nous devons déjà les premiers Tif et Tondu dessinés par Will. Ce dernier signera ici une bonne partie des décors de l’album, et en particulier l’atmosphère futuriste d’Incognito City. Cette collaboration imposa aux planches un certain nombre de va et vient entre Franquin et son camarade.
« Les Pirates du Silence » est un épisode que Franquin n’aimait pas trop. L’auteur nous avait habitué à un degré d’autocritique et d’exigence rare, mais ses confessions à Numa Sadoul vis à vis de cet album sont assez intéressantes. (cf Et Franquin créa la gaffe – 1985)
N’aimant pas l’histoire qu’on lui proposait, il effectua une sorte de résistance passive. De son propre aveu, il confessa avoir dessiné cet album « mesquinement » sans y mettre le moindre coeur.
Toujours selon lui, il trouvait entre autres que l’ensemble (et en particulier la scène de fin) manquait de corps, de générosité. Il considérait avec humour, « Les Pirates du Silence » comme le parfait exemple de ce qu’il ne fallait pas faire en BD.
Bien évidement, ces propos n’engagent que leur auteur, mais il est intéressant de les retranscrire pour comprendre les ressorts intimes de la création.
Le public jugera cet album largement à la hauteur des autres. Cette attitude si sévère envers son propre travail, illustre combien la série Spirou et Fantasio semblait peser à Franquin.(voir « QRN sur Bretelburg »)
Le phénomène de reprise est une chose souvent compliquée pour un auteur, soucieux de respecter le personnage sans y perdre son âme. Son camarade Will rencontrera parfois les même dilemme à une moindre échelle sur Tif et Tondu (crées par Fernand Dineur).
Ce qui frappe le plus sur « Les Pirates… » reste le dépouillement des décors et en particulier, ceux d’Incognito City. Les personnages semblent évoluer dans un monde parallèle. Qu’il s’agisse d’une intention voulue ou pas, ce sentiment de vide illustre bien l’image déshumanisée que l’on se pouvait se faire d’une ville futuriste dans les années 50.
Enfin, « Les Pirates… » permettent aussi de découvrir que le Marsupilami serait capable de reproduire des sons humains à la façon d’un perroquet. Fort soucieux à l’époque de pousser chaque fois plus loin les talents du petit animal, Franquin dira plus tard qu’il regrettait cette idée. Ce sera donc la seule et unique fois que le Marsupilami pourra s’exprimer de cette façon.