Fines bulles

Brouillard au pont de Tolbiac (1982)

Brouillard au pont de Tolbiac Brouillard au pont de Tolbiac

À l’occasion d’une lettre reçue de la part d’une très ancienne relation, Nestor Burma remontera la filière d’un crime non résolu qui le replongera dans son passé anarchiste au coeur du XIIIe arrondissement. Il sera aidé dans ses recherches par une jeune gitane Bélita Moralès, amie de son camarade défunt.

« C’est un sale quartier, un foutu coin,(…) c’est son climat. Pas partout, mais dans certaines rues, certains endroits on y respire un sale air. Fous en le camp Bélita.(…) Ca pue trop la misère, la merde, le malheur ! »
Cette phrase sans appel de Burma à la gitane résume bien ce que Malet pensait du XIIIe arrondissement avec lequel, il prétendait avoir un vieux compte à régler. En 1926, l’auteur avait séjourné au foyer Végétalien, 182 rue de Tolbiac, en compagnie de camarades anarchistes.Il avait 17 ans et cette courte expérience qui lui avait laissé un souvenir amer.

De la série « Les nouveaux mystères de Paris », « Brouillard au Pont de Tolbiac » a toujours été considéré comme un roman à part. Par son auteur d’abord, puis par son public qui découvrait sur les traces de Nestor Burma le souvenir d’un XIIIe disparu.
Le plus souvent Malet travaillait sans plan préalable, ce qui l’amenait à effectuer un certain nombre de corrections au rythme de l’avancée de l’intrigue. La conception de cette histoire était un peu différente. Malet, pressé par les délais, devait envoyer les épreuves de son manuscrit à l’éditeur à mesure de sa rédaction. Impossible donc de revenir en arrière.
Léo Malet n’était pas amateur de bande dessinée. C’est en passant par hasard devant la librairie Casterman qu’il tomba en arrêt devant la couverture du « Démon de la Tour Eiffel », une aventure d’Adèle Blanc Sec illustrée par Tardi. Après s’être procuré l’ouvrage, il fut convaincu que le style inimitable du dessinateur conviendrait parfaitement à l’adaptation de Nestor Burma. Lui seul pourrait saisir l’atmosphère du Paris des années 50 duquel il saurait retranscrire le « cafard latent ».

L’album paraîtra chez Casterman en 1982. Si les décors et l’ambiance sont exceptionnels, le dessin de Burma n’a pas encore trouvé la forme définitive qu’il adoptera à l’occasion de « 120 rue de la Gare » en 1988. Aucune documentation n’existant à propos du « Foyer Végétalien » disparu, Tardi le dessina sur la base des souvenirs de l’auteur. Le passage des « Hautes Formes » entre les rues Nationale et Baudrincourt retrouva son aspect originel le temps de quelques cases, au même titre que les arches du viaduc de Tolbiac et bien d’autres détails.

Le roman fut redécouvert des années après sa rédaction, lorsque les bulldozers commencèrent leur travail de sape. Malet qui pensait avoir écrit un roman « contre » le XIIIe souriait quand on le considérait comme le spécialiste de ce quartier. Il prétendait pourtant ne l’avoir fréquenté que trois mois… Sans faire l’apologie de la saleté, il déplorait que cette nécessaire rénovation des lieux n’ait pas été réalisée « à échelle humaine ». Il fustigeait ces tours impersonnelles pensées par des architectes modernes qui habitaient eux, des hôtels particuliers à Passy. Dans un papier écrit en Novembre 1978 Malet écrivait qu’il ne retournerait pas dans le XIIIe, car, il prétendait s’y sentir encore plus malheureux que lorsqu’il y trainait la savate.

Brouillard au pont de Tolbiac – Leo Malet – Tardi Edition Casterman 1982

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